Delphes Express 41 : Degradations senteur Musk
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Aujourd’hui, manifestations, dégradations et prospective du culte de la personnalité.
Que fait une personne lorsqu'elle est insatisfaite d'une situation et atteint un niveau de saturation ? Elle se révolte.
Un mécanisme qui apparaît à tous les niveaux de la société, de l'élève qui ne supporte plus l'autorité de son professeur au ministre qui claque la porte d'un gouvernement.
Pour qu'une telle révolte se propage à l’échelle d’une foule, il faut le plus souvent qu’elle ait à son origine une problématique d'ordre social.
On observe deux principaux problèmes pouvant créer un tel mouvement en France :
🦺 L'insatisfaction vis-à-vis d'une mesure gouvernementale, comme la hausse des prix du carburant avant le mouvement des Gilets jaunes ou l'augmentation de l'âge de départ à la retraite.
🚪➡️ Un plan de licenciement perçu comme injuste dans le cadre d’une entreprise.
Lors des révoltes, il n'est pas rare que des biens soient ciblés et endommagés par les protestataires. Le plus souvent, toutefois, ces dégâts épargnent les particuliers.
Lors des manifestations, par exemple, la plupart des dommages concernent le mobilier urbain, ce qui est somme toute assez logique puisque la personne morale contre laquelle les protestataires se rebellent est l'État, propriétaire de ces infrastructures.
Les Teslas, nouvelles cibles militantes ?
Une dynamique contradictoire est en cours, en particulier aux États-Unis.
Ces dernières semaines, les actes de vandalisme sur les voitures Tesla augmentent.
Les conducteurs subissent également des pressions sous la forme d’injonctions à vendre leur véhicule, sans quoi des groupes d'activistes menacent de mener des campagnes de sabotage massives.
Des sabotages qui s’étendent également à l’infrastructure d’utilisation, notamment les superchargeurs, qui sont victimes de vandalisme et de vols.
Situation pratiquement inédite, les biens de Monsieur tout le monde étant habituellement épargnés par les mouvements de protestation.
(La Tesla Model Y était, en 2024, le 10e modèle de voiture le plus vendu en France, plus qu’une Renault Mégane ou qu’une Volkswagen Golf).
Quand l’image de Musk met ses entreprises en danger
La personnification accrue de Tesla autour de la figure d'Elon Musk, combinée aux actions récentes du gouvernement américain, a eu pour effet majeur de décorréler l’identité de la personne contre laquelle une foule se révolte et le propriétaire des biens endommagés.
Une situation au moins en partie due aux nombreuses accusations de conflits d’intérêts entourant Elon Musk.
On peut penser à son potentiel manque d'objectivité concernant les 22 milliards de dollars de contrats annuels entre le gouvernement américain et SpaceX, ou encore la commande avortée de 400 millions de dollars pour des véhicules Tesla blindés, envisagée par le ministère des Affaires étrangères américain.
Quand les leaders deviennent les logos
La personnification des règles qui régissent notre société est une tendance en constante augmentation depuis quelques années.
L'un des éléments déterminants de cette tendance réside dans le fait que les grandes entreprises du numérique ont de plus en plus la capacité à se muter en forces normatives, notamment grâce à leur pouvoir de régulation d’internet par des algorithmes.
Ces entreprises ont, en parallèle, tendance à personnifier leurs activités.
Prenons l’exemple de Meta :
Son récent changement de stratégie n’a pas donné lieu à un changement de nom de l’entreprise, de logo ou de canaux de communication, mais plutôt à un rebranding de Mark Zuckerberg lui-même.
Le PDG et fondateur du géant est passé en un an du costume bleu et de la coupe à ras qui avaient marqué les esprits lors de son audition ratée face au Parlement américain au t-shirt, barbe de trois jours et cheveux bouclés, donnant une nouvelle image plus rebelle.
Ces entreprises, qui disposent d’un pouvoir de décision unilatéral, ne sont pas hébergées sous la bannière d'organisations structurantes comme peuvent l’être les partis politiques.
Il n'existe donc plus aucun obstacle empêchant l’association directe entre un visage et une action.
Deux scénarios possibles
Cette situation laisse présager deux possibles conséquences :
🔴 Scénario pessimiste : une hyper-polarisation de la société
Les plus pessimistes pourront imaginer un monde où chaque choix de consommation – qu’il s’agisse d’un bien ou d’un service – sera perçu comme une prise de position politique.
Cela mènerait à une intensification des débats idéologiques, reposant sur des bases fragiles, et donc à une polarisation encore plus marquée de la vie politique.
🟢 Scénario optimiste : un retour au modèle classique
Une vision plus positive serait de se rappeler que l’histoire est cyclique.
Ainsi, si la personnification excessive des entreprises – voire des États – devenait trop nocive pour les consommateurs, les citoyens, mais aussi pour les figures qui incarnent ces mouvements (l’action Tesla a perdu 20 % depuis l’intronisation de Donald Trump), alors les acteurs s’adapteront.
On pourrait alors revenir à un modèle plus consensuel, où :
Les entreprises sont identifiées par leur nom et non par celui de leur fondateur ou PDG.
Les partis politiques redeviennent des éléments structurants de la vie publique.